De-Vinh qui je suis!

Sur ce blog, vous pourrez trouver des informations aussi diverses que la fabrication d'étui en peau de varan, l'évolution de mon potager et des conseils de jardinage, des photos de mes voyages, etc etc...
A noter que "bo" veut dire boeuf en vietnamien ! On ne renie pas ses origines!

mercredi 6 avril 2011

part 35 - Les Carnets culinaires d'un pêcheur d'images, Vietnam



" Dormir au-dessus des buffles"

5 avril 2011, Ha Lang, Phuc Sen. 3è jour du 3è mois lunaire.


Ce matin, réveil à 6h. À 6h15, coupure de courant! (souvent cela signifie que ça va durer toute la journée et que c'est une coupure "volontaire"). Je retrouve dans la rue Bà Nga et autres Anh Sõn et Em Nhung, qui vendent leur viande depuis 5h...
Anh Dai vient me chercher et m'invite à manger un pho avant de partir.

Sur les trente km de route jusqu'à Phuc Sen, tout va bien. Anh Dai roule prudemment et lentement, le temps est brumeux, la route très bonne, et les paysages encore plus beaux qu'entre Cao Bang et Thông Nông. Une vraie baie d'Ha Long terrestre...evidemment je n'ai pas pu vous faire de photos, pour les mêmes raisons que la dernière fois.

De plus, je vois beaucoup de gens prier et accrocher partout des décorations en papier dans les champs et autour des tombes.

En route, nous nous arrêtons chez une tante de Anh Dai pour boire un thé. Ce n'est, comme vous le lirez bientôt, qu'un des nombreux arrêts que nous ferons aujourd'hui...

Nous arrivons au marché de Phuc Sen. Mais il n'y a pas de village. Quelques maisons éparses. Un marché sur la plaine, en cours d'installation. Bref, rien à voir. Il est 8h. Nous appelons Minh. Evidemment, comme je m'y attendais, elle a changé d'avis et nous dit qu'elle est occupée et qu'il faudra revenir cet après-midi...ça ne me surprend vraiment pas, je me suis habitué à ces changements de plans.


Du coup, je me prépare à attendre ici (notez que je ne saurai jamais trouver sa maison, qui est à deux ou trois kilomètres d'ici). Au pire j'essayerai de voir les forgerons de Phuc Sen (j'en ai vu sur la route).
Mais Anh Dai me propose de l'accompagner dans le village de ses grands-parents, et me promet que nous serons de retour à Phuc Sen à 15h.

Evidemment ça sent le plan scabreux. Surtout un jour de fête nationale...et Ha Lang est à 40km. J'hésite. Gros dilemme. Car je sais très bien qu'il y a 1% de chance qu'on revienne effectivement à Phuc Sen à 15h. Je ne veux ni faire attendre Chi Thim, ni arriver trop tard...car arriver à 18h et repartir tôt le matin, quel intérêt?

D'un autre coté, si Anh Dai n'est pas avec moi, il y a 99% de chance que je ne trouve jamais la maison de Bà Thim... Je finis donc par accepter.

Ça commence mal : la route est très mauvaise. Mais pour l'instant mon chauffeur reste attentif. 40km de trous, c'est fatigant. Et la brume ne se dissipe pas. Nous sommes au milieu des montagnes.

Nous finissons par arriver à Ha Lang.
La, ou plutot les maisons de la famille de Anh Dai, sont en fait à deux ou trois km du village lui-même. Ce sont, comme me l'a dit Bà Nga, uniquement des maisons en bois. Les buffles, cochons, volaille et vaches vivent dans des étables, et les gens vivent juste au-dessus. Il y a juste un plancher entre les deux étages. En soulevant les planches, on voit les buffles!




Rigolos ces petits porcelets plus petit qu un coq...

Tout est en bois sauf le toit en tuiles, et un petit espace bétonné de 2m sur 3, au milieu de la maison, où l'on cuisine au feu de bois.
Le feu est évidemment la place centrale où tous se réunissent pour se réchauffer, discuter, cuisiner ou se sécher les pieds.




Anh Dai me fait visiter la maison de l'oncle, la tante, etc : trois maisons en tout, toutes identiques dans la configuration, les dimensions et le nombre d'animaux.
Le fait de vivre au dessus de l'étable, comme en France il y a quelque temps, permet de profiter de la chaleur des buffles et également de dissuader tout voleur de bétail.



Le plancher n'est pas vraiment un plancher ; les planches sont écartées d'un ou deux centimètres. on voit les animaux à travers. De plus, des trous judicieusement placés servent à tout jetter aux cochons : restes de nourriture, eau de vaisselle, de brossage de dents, ...

Il n'y a pas de toilettes ou de salle d 'eau ; elles sont à l'extérieur (pas pratique sous la pluie), sans murs, sans toit. Donc il vaut mieux y aller de nuit et sans pluie.

Bien sûr je suis ravi de voir tout ça, mais l'ambiance ne me plait pas trop. Je suis entouré uniquement d'hommes (comme vous savez, de manière générale et encore plus au vietnam, je préfère la compagnie féminine car plus calme!), et dès 9h du matin ils commencent déjà à boire alcool de riz, d'autant plus qu'aujourd'hui est un jour de commémoration des ancêtres. D'habitude, j'accepte un premier verre par politesse, mais là je les vois venir, avec le jour de fête...si j'en accepte un, je suis fichu. Donc, dès le début, je refuse, à la stupeur générale.

Toujours est-il que, entouré de six fumeurs, je ne tarde pas à m'éclipser pour tenir compagnie aux femmes qui préparent le repas en l'honneur des ancêtres.

Poulet bouilli entier, poissons, riz gluant coloré, porc laqué, bambou farci, chou farci, et beaucoup d'autres bonnes choses, bien appétissantes!

Puis, Anh Dai me dit qu'on va se promener. En fait, on amène tables, nattes, plats, thé, couverts...cinq minutes de marche et nous arrivons devant des monticules de terre un peu partout. Je suppose que ce sont des tombes mais il n'y a pas de pierres tombales...en fait il y a bien une ou deux petites pierres plates, mais sans inscriptions visibles. Et pourquoi ce monticule de terre?

Les gens désherbent et binent tous les monticules soigneusement. Ils ont un outil très spécial, et surtout une façon très spéciale de le porter...dans le dos!
On me propose de m'en offrir un, mais bon, j'en ferai quoi?






Une fois la tombe désherbée, on y rajoute de la terre prélevée ailleurs. Pourquoi? Mystère. D'ailleurs c'est pourquoi certains monticules sont plus hauts que d'autres.

Un volontaire passablement alcoolisé grimpe à un arbre pour couper des branchages. Ceux-ci sont ensuite plantés devant et autour des tombes, et on y accroche les décorations/découpages en papier.



Ensuite on installe nattes, tables, et on présente les plats et verres d'alcool, pour les ancêtres.

Enfin, on brûle des faux billets (dongs et dollars us), de l'encens et on prie.

Durant tout ce temps, les hommes boivent beaucoup et commencent à devenir bruyants et irascibles. Mon chauffeur n'est pas en reste, et ne se refuse rien....

Je vous ai déjà dit qu'en général les hommes ne comprennent pas pourquoi je ne bois pas. Mais ça finit par leur passer. Tandis qu'aujourd'hui, ici, ils ont tellement bu que toutes les trois minutes ils ont déjà oublié que je leur ai dit que je ne buvais pas...et ça recommence, il faut refuser de nouveau, etc.




On me montre une dent de je ne sais quoi









Vous pensez surement que j'exagère...mais c'était clairement LA journée la plus fatigante à ce niveau-là. Et vas-y que je te pousse, que je te crie dessus pour que tu boives le verre, que je t'empoigne le bras, etc. Je n'ai d'autre choix que de leur crier dessus sur le même ton, c'est malheureux, mais chacun a déjà bu minimum 20-25 verres, alors...ça ne sert à rien de discuter, ils oublient tout! Au bout de la dixième fois à tenter de leur expliquer mon métier, mes origines etc, je renonce.

Bref, je m'ennuie comme jamais. Je crois qu'en fait c'est l'une des journées où je me suis le plus ennuyé. Je suis agressé en permanence par des gens qui me brûlent ma veste avec leur cigarette sans s'en rendre compte, me renversent de l'alcool dessus, me bousculent, veulent me prendre mes lunettes, etc.

Et puis souvent j'ai remarqué que quand une femme me parle et que je ne la comprends pas, elle répète la phrase et/ou répète plus lentement et/ou rigole. Tandis que les hommes, lorsque je ne les comprends pas, répètent la phrase en criant plus fort dans mon oreille, en imaginant que je comprendrai mieux (et en m'empoignant le bras).
Ceux-ci ne font pas exception à la règle.


Sur celle ci on distingue une inscription (Regardez bien)


C'est d'un ennui mortel. Je serais tellement mieux avec la douceur et patience de Chi Minh ou Chi Hop. Vous trouverez peut-être que j'exagère car j'ai quand même la chance d'être accueilli ici. Bien sur je m'en rends compte, mais je ne vais pas vous cacher mon ressenti de ce jour-là/lieu, à savoir, ennui et mal à l'aise.

Nous finissons par tout ranger et revenir à la maison pour le repas. Nous mangeons donc les plats présentés aux ancêtres ; encore plus nombreux que le repas de mariage auquel j'ai participé. C'est très bon, et c'est un repas quasiment sans riz. Tous mes voisins (on mange entre hommes...où sont les femmes?) me servent sans relâche les meilleurs morceaux (ce qui fait que je n'arriverai même pas à finir mon premier bol de riz).

Le repas terminé, Anh Dai m'emmène dans une autre maison, où nous retrouvons d'autres membres de sa famille, et où il faut de nouveau partager le repas!
Donc, c'est reparti pour un tour, et de nouveau il faut dire non, je ne bois pas : une fois, deux fois, quinze fois, au bout de la cinquantième (probablement plus, en fait - véridique) je commence à en avoir vraiment assez.

Je m'impatiente. Ces repas sont interminables. Une fois fini, Anh Dai m'emmène "boire un verre" dans une autre maison, etc. Puis on revient dans la première maison "dire au revoir" (à grands renforts de saké), puis la deuxième, puis de nouveau la troisième, etc. Ça n'en finit pas. On dit au revoir trois fois aux mêmes gens en trois heures.


Seul ce papy, tres gentil, tient tres bien l alcool et reste tout a fait calme et poli jusqu a la fin de la journee. A la fin, je me refugie avec lui.


Dans ou a l exterieur de chaque maison, des enormes mortiers en pierre pour moudre le grain, ou parfois des moulins electriques ou a moteur thermique.

On était censés partir de Ha Lang à 13h. Nous partirons finalement à 16h (et encore, vers la fin j'étais tellement au bord de la crise que je ne cachais plus mon impatience - sinon on y serait probablement encore). En fait, j'aurais vraiment du rester à Phuc Sen ce matin, je savais bien que j'avais fait le mauvais choix!! Maintenant je suis coincé ici, et j'ai vu mon chauffeur boire plus de 30 ou 35 verres (et parfois il n'était pas avec moi)...

Ce qui me frustre le plus, c'est de savoir que dans le meilleur des cas, on arrivera à Phuc Sen à la nuit tombée (si on y arrive un jour). Et que Bà Thim et ses amies vont surement rentrer à Cao Bang demain matin tôt. Alors tout ce mois d'attente pour finalement ne rien voir?

Le trajet Ha Lang-Phuc Sen fut, je crois, le pire que j'ai fait. Malgré que la route soit pas trop mauvaise et qu'on roule beaucoup moins vite que lorsque Anh Sõn m'a emmené à Thông Nông il y a quinze jours, j'avoue que Anh Dai est complètement éméché...et ne semble pas vouloir que je prenne le guidon.

On dirait presque qu'il fait exprès de rouler sur chaque bosse et chaque nid de poule qui existe. En fait je crois qu'il ne les voit pas.
Toutes les dix minutes il ralentit pour prendre un appel. Ou s'arrête pour X raison. Ou pour une pause toilettes, où il disparaitra dans un fourré pour quinze minutes pendant que je poireaute sous la pluie. Ah oui parce que je ne vous ai pas dit qu'il a plu sur les 40km. Une petite pluie bruineuse et brumeuse vicieuse au possible.

Nous mettrons deux heures à faire un trajet qui nous a pris une heure ce matin. Et toutes les dix minutes Anh Dai me redemande si je veux aller à Phuc Sen ou à Cao Bang, me demande où je dormirai, etc. En fait il oublie au fur et à mesure, ce que je lui réponds.

Nous tombons deux fois dans un fossé, et une troisième fois dans une flaque (que dis-je, un étang) de boue. Je suis obligé d'anticiper les dérapages, et mettre tout mon poids du côté opposé, seul moyen de redresser la moto pour qu'on ne tombe pas. Le pire, c'est qu'il ne s'en rend même pas compte.
Tout ceci est très, très, très éprouvant à la fois moralement et physiquement.

A ce moment-là, je me dis qu'il vaudrait mieux avoir sa propre moto...ou trouver une fille pour me conduire, car elles, au moins, ne boivent pas (j'ai vu des femmes âgées boire un unique verre, deux ou trois fois en 15 semaines au Vietnam).

Il faudra appeler Minh quatre fois, pour trouver leur hameau. En fait, Phuc Sen est composé de plusieurs hameaux disséminés sur des kilomètres, entre 500 et 600m d'altitude. L'indication "kilomètre trente" de ChiMinh ne nous a pas aidés. Chi Hop m'avait dit que leur hameau était à 3km du marché. Chi Minh me dit 2km...

Il fait nuit (les photos de la fin de ce post ont en fait ete prises le lendemain) . Chi Minh et Bà Thim nous attendent au bord de la route. J'en pleurerais presque de joie et soulagement, tellement cette journée m'a épuisé. Chi Minh, habillée "normalement" (sans tunique) et les cheveux détachés (d'habitude ils sont attachés autour et au-dessus de la tête, comme un bandana, et cachés sous un bandeau bleu), est méconnaissable. J'ai failli ne pas la reconnaître. Même la démarche est différente.


Nous allons, via de petites ruelles boueuses, à la maison de Bà Thim. C'est une maison comme celles que j'ai vues aujourd'hui.

Mais Anh Dai a tenu à nous suivre et reste une demi-heure (par politesse, je suppose? Il ne les connaît pas). Or Bà Thim et Chi Minh ne me parlent pas du tout pareil, le temps qu'il est là (en fait elles ne me parlent pas du tout).

Il finit par partir. Mes amies redeviennent telles que je les connais. Mais Chi Minh repart et me dit que je pourrai aller chez elle demain matin avant qu'on parte pour Cao Bang (sincèrement, à ce stade je ne la crois plus trop, avec les diverses choses où elle ne pensait pas ce qu'elle disait...).


Finalement je suis content d'être chez Bà Thim. Elle est très gentille avec moi. Par contre, bien que je soie boueux et trempé, impossible d'obtenir un quelconque vêtement sec. Je me réchauffe donc au coin du feu avec Bà Thim et sa fille Huong, 20 ans. Bà Thim a également deux fils de 18 et 23 ans. L'ainé est marié à une fille de 20 ans, et ils ont un bébé d'un an. Bà Thim me dit qu'au Vietnam on se marie à 15 ans, est-ce vrai? Je doute...elle doit parler des minorités ethniques.


Je remarque que le mari de Bà Thim n'est pas là ; et vois une photo de lui sur un mur...ce qui ne peut signifier qu'une chose. J'attends d'être seul avec Bà Thim, qui me confirme ce que je pensais. Elle me dit qu'il est décédé il y a un peu plus d'un an (je ne voulais pas poser la question devant ses enfants).

Nous mangeons les restes du repas des ancêtres, dont le meilleur porc laqué que j'aie mangé au Vietnam. Je me sens tellement mieux en compagnie de Bà Thim et sa fille, plutot qu'à Ha Lang entouré d'hommes alcoolisés!


Bà Thim me dit qu'on repartira sur Cao Bang demain matin ; c'est bien ce que je craignais.

Nous discutons beaucoup ; en fait elle me parle beaucoup d'argent ; j'essaye de lui expliquer que le coût de la vie en France est vraiment beaucoup plus élevé que ce qu'elle peut imaginer, lui donnant des prix d'aliments qu'elle connaît. Mais elle ne me croit pas trop, et me pose des questions auxquelles je ne peux pas/veux pas répondre, telles que le montant d'un salaire en France, ou le coût de mon voyage.

Et il y a un tel décalage entre l'idée d'Eldorado français que j'ai souvent entendue ici, tandis que moi, mes projets futurs sont justement de m'évader des villes, vivre en campagne et élever des animaux.


Bà Thim me dit qu'elle a une deuxième maison ; celle où je suis est celle ou dorment ses enfants. Elle retourne dormir dans l'autre maison.
Je passe une longue soirée à discuter avec sa fille Em Huong, au coin du feu. C'est une belle soirée et malgré que j'aie du mal à garder les yeux ouverts, j'en profite car j'ai attendu cette nuit à Phuc Sen depuis longtemps...


Nous installons une natte et des couvertures à même le "plancher". Un coup d'oeil avec ma lampe entre les interstices des planches, me fait voir que je vais dormir juste au-dessus de deux buffles, un petit taureau et un cheval !!


(les cochons sont évidemment sous l'espace cuisine).




En outre, dans le "salon", à cinq mètres de moi, il y a deux poussins et une dizaines de canetons dans un carton avec une ampoule pour leur tenir chaud. Sur les 50 poussins que Thim a achetés la semaine dernière, 48 sont morts! Probablement de froid, car il pleuvait ce jour-là à Cao Bang, deux jours avant qu'elle rentre à Phuc Sen.


La maison de Thim. Seul le cellier est en beton.

Je suis content de dormir ici, avec les buffles. Je les entends manger, bouger, cette maison est à la fois très calme et vivante.

Ce que je ne sais pas encore, c'est que demain me réserve bien des surprises...

On pourra donc intituler la part 36 "Vinh gardien de buffles" , et la part 37 "Comment Vinh devint vegetarien"...suspense...

2 commentaires:

  1. hihi!je t imagine bien avec tt ces petits viets rouges et pompettes :) bon ok, pas tres marrant, mais que veux tu, il faut se fondre avec la culture, et je sais de quoi je parle ...
    Bon alors maintenant j ai une question: porquoi est ce que tu crois qu'ils changent de plan sans prevenir? ou qu'ils oublient? carelessness?
    Et j'ai beaucoup aime les petits cochons renfrognes :P
    bisous, miss you

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  2. Salut Vinh,

    Pas très marrante cette journée, j'espère que la partie "Vinh gardien de buffles" sera plus joyeuse.

    Pierre.

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